Analyse

Budget 2013 : bilan des mesures fiscales

La nouvelle majorité a décidé d’un certain nombre de mesures fiscales. Quel bilan peut-on en dresser ? L’analyse de Noam Leandri, président de l’Observatoire des inégalités.

Publié le 7 février 2013

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Revenus

Depuis mai dernier, le gouvernement a pris un certain nombre de décisions en matière fiscale. Certaines sont déjà appliquées, d’autres auront un effet cette année ou plus tard. Une grande partie de ces mesures ont été prises dans le cadre du budget de l’Etat pour 2013, mais certaines relèvent d’autres textes : le dernier budget rectificatif de 2012 ou la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 [1] par exemple. Certaines portent sur quelques millions euros, d’autres plusieurs milliards. Nous tentons de dresser un bilan des mesures les plus importantes, et des enseignements que l’on peut en tirer en matière d’inégalités.

Les principales mesures du budget 2013

Augmentation de l’imposition des revenus du capital : 3 milliards d’euros.

Les revenus du capital (dividendes, intérêts, plus-values et stock-options) sont désormais imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Jusqu’à présent, ces revenus étaient taxés selon des taux fixes autour de 20 %. Les ménages qui perçoivent ce type de revenus sont souvent aisés et entrent donc dans les tranches hautes de l’impôt sur le revenu.

Gel du barème de l’impôt sur le revenu : 1,2 milliard d’euros.

Tous les ans, l’Etat augmente le niveau des tranches du barème de l’impôt sur le revenu – le montant à partir duquel on applique un taux d’imposition donné - pour tenir compte de l’inflation. Cette année (comme l’an dernier), cette réévaluation n’a pas eu lieu. Du coup, les revenus qui ont augmenté du même niveau que de l’inflation n’auront rien gagné en pouvoir d’achat (ils gagnent plus, mais les prix sont plus élevés) mais seront davantage imposés. Ce mécanisme constitue une augmentation générale de l’impôt sur le revenu, mais un système de décote permet d’épargner les ménages modestes, qui seraient devenus imposables du seul fait de ce gel.

Réforme du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) : 1 milliard d’euros

Le gouvernement augmente les taux de l’ISF, mais laisse inchangé le seuil d’exonération de 1,3 million d’euros qui avait été élevé en 2012 (il était de 800 000 euros).

Diminution du plafond du quotient familial de l’impôt sur le revenu : 500 millions d’euros.

Le plafond de l’avantage procuré par le quotient familial a été diminué de 2 336 euros à 2 000 euros pour chaque demi-part accordée pour charges de famille. Cela représente une économie d’un demi-milliard d’euros pour l’Etat. Lire notre article sur le quotient familial.

Réduction des niches fiscales : gain nul

Les niches fiscales ont fait couler beaucoup d’encre, mais la réforme est très réduite. Le montant de réduction de l’impôt sur le revenu procuré par l’utilisation de différentes niches est plafonné à 10 000 euros. Le Conseil constitutionnel a censuré les plafonds plus élevés accordés aux investissements en outre-mer, à la restauration des bâtiments historiques (« loi Malraux ») et au financement du cinéma (« SOFICA »). Mais cette mesure reste symbolique du fait du niveau très élevé du plafond. Le gouvernement crée une nouvelle niche pour les investissements dans l’immobilier locatif pour succéder au dispositif « Scellier » qui privera l’État de 145 millions d’euros de recettes en 2015…Lire notre article sur les niches fiscales.

Nouveau taux d’imposition des hauts revenus : 320 millions d’euros.

Une tranche supplémentaire a été établie à 45 % sur la fraction des revenus supérieurs à 150 000 euros par part et concernera 0,01 % des foyers fiscaux. L’imposition globale à 75 % des revenus supérieurs à 1 million d’euros par individu devait toucher environ 1 500 personnes et rapporter 210 millions d’euros par an. Mais cette disposition a été annulée par le Conseil constitutionnel, lequel a considéré que la taxation par individu sans tenir compte de la taille du ménage, constituait une inégalité devant l’impôt. Elle devrait être réintégrée en 2014, mais rien n’a encore été décidé et chiffré.

Tout ce qui ne figure pas au budget de l’État pour 2013

Hausse de la TVA : 6 milliards d’euros

Afin d’améliorer la compétitivité des entreprises françaises, le troisième budget rectificatif pour 2012 leur accorde un crédit d’impôt dont le coût serait de 20 milliards d’euros en année pleine d’ici 2016. Il serait financé principalement par la hausse des deux principaux taux de TVA qui rapporterait 6 milliards d’euros, le reste du financement passerait par une taxe écologique de 4 milliards et une baisse des dépenses publiques de 10 milliards (l’équivalent d’un cinquième du budget de l’éducation nationale...). Le taux normal de TVA passera au 1er janvier 2014 de 19,6 % à 20 % et le taux intermédiaire sur la restauration, les travaux ou les livres de 7 % à 10 %, tandis que le taux réduit sur les produits alimentaires ou les abonnements au gaz et à l’électricité baissera de 5,5 % à 5 %. Le taux particulier de 2,1 % sur les médicaments et la presse n’est quant à lui pas modifié.

Hausse des cotisations salariales : 2,5 milliards d’euros

Les employeurs à domicile ne pourront plus choisir de cotiser sur la base d’un Smic. Ils devront obligatoirement cotiser sur le salaire réel comme l’ensemble des employeurs, soit une augmentation générale de leurs cotisations d’environ 500 millions d’euros [2].

Les travailleurs indépendants (artisans, commerçants, chefs d’entreprise) cotiseront au même taux sur l’intégralité de leurs revenus. Cet alignement des régimes rapporte plus d’1 milliard d’euros de cotisations supplémentaires.

Les taxes sur les salaires dans les banques et assurances s’appliqueront uniformément à toutes les formes de rémunérations, y compris les bonus. La recette est estimée à 600 millions d’euros.

Contribution des retraités à l’autonomie des personnes âgées : 700 millions d’euros

La loi de financement de la Sécurité sociale en 2013 crée une contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie sur les pensions des retraités imposables seulement. Avec un taux de 0,3 %, elle doit servir à financer une partie du coût de la réforme de la prise en charge de la dépendance attendue pour 2014.

Augmentation des taxes sur la bière et le tabac : 500 millions d’euros

Les taxes sur la bière et le tabac seront relevées au cours de l’année 2013, soit 480 millions d’euros de rentrées fiscales en 2013 et 730 millions sur une année complète.

Quels enseignements en tirer ?

La principale mesure fiscale est une augmentation de la TVA de 6 milliards qui s’appliquera en 2014. La TVA est un impôt proportionnel sur la consommation et inversement proportionnel aux revenus (voir notre article). Elle pèsera beaucoup plus sur les bas revenus qu’une augmentation de l’impôt sur le revenu. L’élévation de la taxation de la bière et du tabac va dans le même sens.

L’impôt sur le revenu, dont les taux augmentent avec le niveau de vie, est l’impôt qui réduit le plus les inégalités. Le gel du barème (1,2 milliard) constitue une augmentation globale. L’imposition des revenus du patrimoine (3 milliards) selon le barème progressif redonne aussi de la progressivité à l’impôt. La baisse du plafond du quotient familial réduit les avantages fiscaux des familles aisées. Les autres mesures concernant l’impôt sur le revenu demeurent relativement symboliques. Les patrimoines élevés seront taxés d’1 milliard supplémentaire via le rétablissement d’un barème progressif de l’ISF.

Le temps n’est plus aux baisses d’impôts, mais le principe de réforme fiscale, annoncé lors de la campagne, est abandonné (voir notre article Pourquoi le gouvernement renonce à réformer les impôts). Il était notamment question de fusionner la contribution sociale généralisée et un impôt sur le revenu réformé, plus juste et plus efficace. L’ensemble des mesures présentées est hétéroclite, souvent symboliques (comme celles sur les très hauts revenus ou les niches fiscales). Mal préparées, une partie des mesures ont été annulées par le Conseil constitutionnel.

Au total, on retiendra une taxation plus importante de la consommation qui portera sur tous les ménages et des prélèvements accrus sur les détenteurs de capitaux (par le biais de l’impôt sur le revenu et de l’ISF).

Le budget 2013 laisse donc entier la question de la justice fiscale comme celle du redressement des comptes publics. A défaut d’une hausse plus importante des impôts, l’Etat va procéder à un gel de ses dépenses de 10 milliards d’euros en 2013 : des restrictions qui concerneront les fonctionnaires, les investissements militaires et les infrastructures de transport. Au cours des quatre prochaines années, les baisses des dépenses seront accrues. En fonction des choix politiques effectués, l’effet sera plus ou moins important en terme d’inégalités.

Source photo / www.economie.gouv.fr


[1Depuis 1996, le parlement adopte chaque année une loi qui retrace les prévisions financières de la Sécurité sociale et fixe des orientations à la branche maladie (médecins, médicaments et hôpitaux).

[2Les salariés à domicile bénéficieront en contrepartie d’une meilleure retraite, de congés maladie ou d’un chômage mieux indemnisé

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Date de première rédaction le 7 février 2013.
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